Elle ouvre les yeux, confuse, incertaine. La première chose qu’elle voit, c’est le ciel flamboyant. Les tons de rouge, d’orangé et de violet se mêlent aux nuages qui n’affichent maintenant qu’un blanc teinté des couleurs de ce ciel de feu. La fin de la journée. Le coucher du soleil. Depuis combien de temps est-elle là ? Elle ne sait pas trop. Et devant ce ciel de feu, des branches qui s’étirent comme pour atteindre ce brasier atmosphérique. Delilah prend une grande inspiration, sentant sous elle le sol humide de la forêt. Ses doigts n’agrippent que la terre quand elle tente de bouger.  Et lentement, elle se redresse, balayant du revers de la main la terre et les feuilles qui lui collent à la peau. Comment est-elle atterrie ici ? Elle ne sait pas trop. Lily se souvient bien avoir souhaiter une bonne journée à Austin avant de quitter ce matin. Mais le reste de sa journée est dans le flou le plus total. Donc la raison pour laquelle elle se retrouve maintenant en vêtements de sports – beaucoup trop légers pour le froid de la saison – quelque part en forêt, ça lui échappe totalement. Elle ne sait pas ce qu’elle a fait pendant des heures. Car si elle se fie à la coloration du ciel, c’est toute une journée qui lui échappe. Elle est allée en cours ? La jeune femme pense que oui, elle a des souvenirs flous des couloirs de l’Université. Pas ces souvenirs généraux d’un endroit qu’on connait bien, mais l’impression d’y être allé ce matin. Mais ça ne change pas les faits. Lily n’est plus à l’université. Elle est en forêt. Elle se relève. Le pire dans toute cette histoire, c’est que Delilah n’a aucune idée d’où elle est. Mais elle n’a pas froid. La nuit ne saurait cependant tarder, il serait peut-être mieux de rentrer en ville, toutes les attaques animales qu’elle a analysée lors de son travail avec Siobhan s’imposent à son esprit. Elle n’a pas envie d’être la prochaine. Alors elle prend une direction au hasard. Ce n’est peut-être pas la meilleure idée, mais elle n’a ni téléphone, ni carte, ni indication. Donc c’est sa seule option. Elle marche quelques minutes, le sol sous ses pieds s’humidifie un peu avec la tombée du jour. Étonnant pour la Californie. Ça lui rappelle les soirées du Connecticut. Et elle sourit. C’est à ce moment qu’elle remarque cependant qu’elle est pieds nus. Delilah se met alors à rire. Elle doit vraiment avoir l’air misérable. Une chance qu’elle soit seule finalement. Ses cheveux roux retombent sur ses épaules, dansent avec le vent léger. Et elle marche, parce qu’elle ne comprend pas ce qui s’est passé. La jeune femme a également un drôle de pressentiment. Comme si elle était observée, mais pas par une créature. C’était plutôt comme si la mort n’était pas loin, ou comme si elle avait été là un peu plus tot ? Elle ne peut l’expliquer. Alors elle marche. Et c’est bien la seule chose qu’elle peut faire à cet instant. Elle en parlera à Austin à son retour. Si elle arrive à retrouver son chemin…

Là, sans être là, j’avais terminé mon service la tête ailleurs, demandant parfois aux clients de répéter une seconde fois en réalisant que je n’avais absolument pas enregistrer leur commande. Troquant mon uniforme aux couleurs de l’enseigne pour des vêtements plus personnels, je me hâtais de sortir avant qu’une quelconque remarque ne me soit faite. À peine dehors, je prenais une grande inspiration pour essayer de faire le vide dans mon esprit qui m’avait l’air embrumé. Si j’allais machinalement prendre la route vers mon appartement, une partie de moi semblait avoir d’autres projets. Un soupir s’échappait d’entre mes lèvres, mais si j’avais bien appris une chose depuis tout ce temps, c’était bien qu’il valait écouter ces petites voix qui chuchotaient à mes oreilles plutôt que les ignorer. Attrapant mon téléphone dans le fond de ma poche, j’envoyais un message à Jaden pour le prévenir que j’allais certainement avoir un peu de retard, sans rentrer dans les détails. « Ok Dana. », soufflais-je pour moi-même avant de fermer les yeux un instant pour essayer de me concentrer tout en lâchant prise. Tout un programme qui n’était pas encore des plus innés pour moi. Pourtant, j’y parvenais. Me laissant aussi simplement que possible, porter par mon instinct, je rejoignais la forêt, comme attirée par celle-ci. Le soleil bien qu’affaiblit éclairait encore la ville. Mon regard vagabondait ici et là, si d’ordinaire, j’aurais certainement voulu faire de demi-tour, quelque chose était différent aujourd’hui. Comme si, ce soir, ce qui m’attirait au plus profond de cette forêt n’avait rien d’aussi glaçant que d’habitude. Je n’aurais pas su expliquer la situation, le sentiment que je ressentais. C’était simplement différent. Progressant dans la forêt, malgré la nuit qui tombait peu à peu, je réalisais parfaitement que je m’y enfonçais de plus en plus tant le chemin devenait de plus en plus impraticable. Puis, le bruit des feuilles qui se froissent sous ses pas m’interpelle. Mon regard, vissé sur le sol, se relevait alors dans sa direction. Une jeune femme, est là, seule et avançant l’air perdue. Au fond, je savais que je venais de trouver la raison qui m’avait amené jusqu’ici. Est-ce qu’elle était comme moi ? Les diverses légendes que j’avais lues parlaient de lien entre les Banshees. Sortant difficilement, des broussailles pour rejoindre le chemin qu’elle empruntait. Je n’avais pas vraiment réfléchi sur comment l’aborder, la seule chose dont j’étais certaine, c’est que je devais me trouver ici, avec elle à cet instant. « Excuse-moi. », l’interpellais-je finalement au cas où le bruit de mes pas dans les ronces n’aurait pas déjà attiré son attention. « Est-ce que tout va bien ? », demandais-je jetant un œil à droite puis à gauche, craignant malgré tout que la raison qui me poussait à me trouver avec elle ne soit un sombre destin. « T’as l’air un peu perdue. », ajoutais-je sans me dire une seule seconde que je pouvais avoir l’air étrange à ses yeux. Pourtant, je ne saurais l’expliquer, mais j’avais, de mon côté en tout cas, l’étrange impression d’être en sécurité en sa présence. « Est-ce que je peux t’aider ? », demandais-je finalement alors que mon regard la détaillait de la tête au pied, comme pour vérifier qu’elle n’était pas blessée. Remarquant, ses pieds nus, une vague impression de déjà vu s’emparait de moi. « Tu dois être gelée ! », affirmais-je avant de retirer à la hâte ma veste pour venir l’enrouler autour de ses épaules couvertes uniquement de vêtements de sport fins. Je ne savais pas ce qui me poussait à vouloir à tout prix interagir avec elle, moi qui d’ordinaire étais plutôt solitaire, mais c’était plus fort que moi …