Adossé à un arbre dans la pénombre, Brett observait les étudiants qui rentraient dans leurs habitations d'un coin de l'œil. Capuche dressé sur le haut de la tête, des regards inquiet se posaient sur lui, son allure laissait transparaître quelqu'un qui guettait plutôt qu'attendait quelqu'un et pourtant il était en attente d'une personne en particulier et plus il y pensait plus son stress montait. Certains étaient venus vers lui, demandant s'il vendait quelque chose ce qui le faisait légèrement rire. Non, il ne vendait pas, même si c'était un truc qui pouvait rapporter pas mal, il préférait seulement consommer son mélange spécial. Alors il s'excusait et répondait par la négation et certaines personnes n'osaient pas vraiment s'approcher, car il faisait soit disant peur, à ce qu'il avait pu entendre dans un chuchotement. En même temps, il ne pouvait pas leur en vouloir, son accoutrement et l'endroit où il était placé ne donnait pas une image très chaleureuse, mais il s'en foutait. Il n'était pas là pour se faire des amis, il était là pour Delilah.

Sortant son téléphone de sa poche, il regarda l'heure et les notifications. La rousse avait posté une photo sur Instagram, elle avait l'air de bien s'amuser avec son verre à la main. Si elle sortait éméchée, il la ferait très vite dessaouler en se pointant devant elle. Son sang bouillonnait, elle avait changé de ville, de vie, elle s'était fait de nouveaux amis et pourtant, elle l'avait laissé de côté. Lui qui avait toujours été là pour elle, dans les bons et mauvais moments. Lui qui avait cru perdre une partie de son âme en la croyant morte dans cet incendie. Il avait du mal à réaliser qu'elle s’en était sortie sans rien et il s'en voulait encore et toujours de ne pas avoir réagi autrement. Il ne comprenait pas pourquoi elle avait décidé de tirer un trait sur leur relation.

Brett était resté en communication avec les parents de la rousse, il prenait des nouvelles de Delilah par leur billet, car malgré tout, il restait attaché à elle. Il ne pouvait pas abandonner sans se battre et c'est pour cela qu'il était là ce soir, pour la confronter. Cliquant sur le verrouillage de l'écran, il rangea son téléphone dans sa poche et attrapa le joint roulé qui était posé et caché sur son oreille bien au chaud. Observant les environs, il n'y avait personne et il décida de l'allumer et de prendre une bonne inhalation avant de recracher la fumée blanche épaisse en la soufflant sur le bout de son joint. Le reposant sur ses lèvres, il ferma un instant les yeux pour profiter de l'effet sur son organisme et l'odeur de chanvre avait quelque chose de thérapeutique.

Arrivant à la moitié, il pinça le joint et le roula entre ses doigts pour l'éteindre et le ranger dans son paquet de clopes qui était à l'arrière de son pantalon. Le petit mélange l'avait détendu un minimum, histoire qu'il ne s'emballerait pas si le ton venait à monter pendant leur explication et cela éviterait à ses émotions de prendre trop le dessus et commencer à pleurer, car Brett avait du mal à canaliser le flux de ses émotions.

Se frottant le visage pour se réveiller et se donner un peu du courage qui s'évapora instantanément quand la voix de Delilah raisonna au loin. Elle disait au revoir à ses amis avant de se diriger seule vers son bâtiment. Détachant son dos de l'arbre, il commença à la suivre, retirant sa capuche de ses deux mains. Regardant à gauche et à droite. Il accéléra le pas et, arrivant à deux, trois mètres, il prononça.

"Lily ?"

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Si elle avait su. Si elle avait su que cela se passerait ainsi, elle n’aurait jamais mis cette photo sur Insatagram. Ou alors elle aurait basculé son compte en compte privé afin d’éviter que les gens voient sa story. Mais au fond, est-ce que ça aurait réellement changé quelque chose ? Car il ne détenait pas cette information d’elle, mais bien de ses parents. Elle n’aurait pas pu leur mentir, leur cacher où elle était. Et puis, elle restait convaincue qu’ils recevaient encore quelques lettres de l’Université de Beacon Hills, alors il aurait été plus que difficile de leur cacher son nouveau lieu de vie. Elle n’aurait pas pu, non plus, leur faire comprendre de garder le secret. Ils n'auraient pas compris. Et Delilah savait qu’elle ne pouvait pas leur en vouloir, après tout, elle ne comprenait pas vraiment son comportement non plus. Mais si elle avait su, elle aurait fait les choses différemment. Car elle n’était pas prête à cette confrontation.

Les heures passées à la fac de médecine étaient suffisantes pour venir à bout de n’importe quel étudiant. Mais la chance avait été du côté de Lily en cette soirée, puisqu’elle n’avait pas de cours le lendemain, mais avait également pas besoin de se présenter à la morgue pour son stage. Une vraie journée de congé, comme elle n’en avait pas eue depuis longtemps. Alors, quand Layla, une bonne amie et collègue de classe, lui avait dit qu’une partie de leur cohorte sortait pour profiter de la soirée, Lily ne s’était pas fait prier et avait suivi le groupe avec enthousiasme. Une vraie soirée étudiante. Ils s’étaient donc fait un petit resto, histoire de se préparer à la soirée, mais aussi pour discuter de leurs stages respectifs, et avaient décidé d’aller fêter dans un bar par la suite. Après deux verres, Lily avait donc posté une story sur instagram avec Layla, puis avait repartagé une des story de Layla, qui les montraient s’amusant sur la piste de danse. Layla était de celles qui adorait être sur les réseaux sociaux. Et Delilah s’était laissée prendre au jeu, car du haut de ses 23 ans, elle avait encore le droit de s’amuser et de profiter de sa jeunesse, non ?

Elle avait donc dansé pendant plusieurs heures, ne comptant plus les consommations (mais jamais dans l’excès non plus, et elle s'assurait de toujours prendre de l’eau entre ses verres (étudiante en médecine prudente après tout)). Mais il fallait bien rentrer à un moment. Elle avait donc parcouru le chemin de retour avec des amis, en riant. Certains chantaient à tue-tête, Layla derrière eux leur disant de se la boucler pour ne pas réveiller les habitants du quartier. Et Delilah riait à côté, hésitant à se joindre à la plaisanterie ou à supporter son amie dans sa tentative de garder les autres sur le droit chemin. Aucune de ses options, elle préférait rire. Il y avait bien longtemps qu’elle n'avait pas profité d’une soirée comme celle-ci. Une soirée légère, sans prises de tête. Mais la rouquine avait fini par dire au revoir à ses amis, avant de se diriger vers le bloc appartement où elle partageait un logement avec Austin. Un de ses potes lui fit remarquer cette silhouette un peu plus loin ,adossée contre un arbre. Il avait l’air d’un tueur. Mais Delilah haussa les épaules et avait assuré que ce n’était rien. C’était sans doute Austin qui avait décidé de prendre l’air après tout.

Elle avait rapidement avancé vers la porte principale de l’immeuble, sans porter plus d’attention à la silhouette qui s’était maintenant déplacée pour la suivre. Mais elle se figea en entendant son nom, échappant du même coup les clés qu’elle venait de sortir de son sac à main.

Cette voix. Elle ne la connaissait que trop bien. Elle ne l’avait pas entendue depuis un moment, mais elle ne l’avait jamais oubliée. Elle la hantait dans son quotidien et prenait souvent le contrôle de ses rêves la nuit. Un point de repère. Une source de tracas. La dernière chose qu’elle se serait attendue à entendre ici. Quoi que… Son père ne venait-il pas de cette ville ? Comment avait-elle pu oublier cette information. Delilah se pencha pour récupérer le trousseau de clés au sol et en profita pour essuyer discrètement une larme qui avait coulé sur sa joue. Puis elle se releva lentement et pivota pour faire face au jeune homme.

« Qu’est-ce que tu fais ici ? »

Parce qu’elle avait pris une décision, il y a quelques mois de cela. Et si à cet instant, elle avait une envie folle de courir vers lui et de se jeter dans ses bras, elle devait se retenir. Ce n’était pas un choix qu’elle avait pris à la légère. Peu importe la douleur qu’elle ressentait à l’instant.

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Faisant un léger pas en arrière quand elle sursauta et fit tomber ses clés, Brett avait voulu se diriger vers elle pour ramasser son trousseau et la serrer dans ses bras, mais il ne le fit pas, après tout, si elle avait été distante avec lui depuis l’incendie, une étreinte ne serait sans doute pas la bienvenue. Restant fixer son dos, il sentit la peine de Delilah émaner de son corps, sa nature ne pouvait pas le tromper, après tout, il avait toujours fait attention à son ressenti à chaque phrase et chaque mot pour peser le pour et le contre, car c’était sa meilleure amie et il ne voulait que son bonheur. Avalant sa salive pour essayer de faire descendre la boule qui s’était formée au fond de sa gorge, son souffle se coupa à l’instant où Delilah s’était tournée vers lui.

Sa question semblait avoir un ton accusateur, qui serra le cœur du jeune loup. Pourquoi était-il ici ? Vraiment ? Elle posait cette question ? Brett ouvrit la bouche et resta un moment à ne pas savoir quoi dire, il ne voulait pas paraître pour un harceleur, après tout, il n’était rien pour elle et elle n’était rien pour lui, ils n’étaient pas de la même famille, juste des étrangers qui avaient été proches à un certain moment de la vie. Alors, lui avouer, qu’il avait fait tant de kilomètres et s’était installé ici pour tenter de recoller les morceaux pouvait sembler extrême.

Refermant la bouche, sa mâchoire se contracta et ses mains se serrèrent. Pourquoi était-ce aussi difficile de parler ? Pourquoi perdait-il ses moyens devant celle qui le connaissait le mieux ? Un silence s’installa, son regard était fuyant, il lui était impossible de rester à la regarder, cela lui rappelait trop le passé et ce qu’il avait perdu. Inspirant, il s'éclaircit la gorge avec un raclement et ouvrit la bouche une nouvelle fois.

“J’ai tenté, les sms, les emails, les dm, les snaps, j’ai tout tenté ne serait-ce que pouvoir avoir un minimum de tes nouvelles…”

Brett avait dû se tourner vers ses propres parents et leurs amis en commun pour avoir de ses nouvelles et savoir qu’elle allait bien, mais ça ne lui suffisait plus, il voulait entendre à nouveau sa voix, la voir, la sentir. Elle l’avait écarté de sa vie comme une merde et ça l’avait fait énormément souffrir.

“Pourquoi Lily ? Pourquoi ce silence ?”

Le loup fit un pas vers la demoiselle pour se rapprocher.

“L’incendie était-il vraiment l’élément qui a fait que ? Ou est-ce que j’ai dit ou fait quelque chose de mal ce soir-là ? Parce qu’après tant de remise en question, je n’arrive pas à comprendre pourquoi tu t’es éloigné…”

Sa main s’était posée sur sa veste et il l’avait serré au niveau de son cœur, comme pour mimer qu’elle l’avait brisé ou simplement parce qu’il avait mal à cet instant.

“Sache que je suis heureux que tu sois en vie, que tu sois épanouie dans tes études et que tu sortes faire la fête, mais je t’en veux… Ma vie est devenue un enfer depuis ce soir-là.”

Soir où il avait cru la perdre pour de bons.

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Un frisson lui parcourt l’échine. Elle a cette impression de faire face à un fantôme. Comme si ce n’était pas elle, mais lui qui avait été cru mort cette soirée-là. Un fantôme qu’elle ne pouvait considéré être du passé, car il était encore bien présent dans sa vie, malgré qu’elle ait tenté de couper les ponts. Les remords, la peur, la culpabilité. Celle de n’avoir pu le protéger correctement. Celle d’avoir dû le laisser derrière. Car elle n’arrivait plus à supporter son regard. Mais jamais, à travers tous ces mois de silence, Brett n’avait quitté les pensées de Delilah. Il était toujours là, à hanter chacun de ses pas. Mais de le voir, en chair et en os, devant elle, éveillait toute une gamme d’émotions. Elle était heureuse de le voir. Soulagée qu’il soit vivant. Inquiète de l’état dans lequel il se trouvait - elle n’allait pas mentir, il avait quand même une sale gueule. Mais c’était comme revoir un fantôme. Un à qui elle ne savait quoi dire.

Alors elle avait tenté d’éviter son regard, le temps de récupérer ses clés tombées au sol. Le temps de rassembler son courage pour pouvoir lui faire face. Elle tenta, tant bien que mal, de reprendre le contrôle de ses émotions. Elle avait toujours été capable de lire en Brett, mais surtout, il avait généralement toujours été honnête avec elle. Alors elle savait que l’importance qu’il avait pour elle était réciproque. Et par conséquent, qu’elle l’avait blessé, comme elle aurait été blessée si la situation avait été inversée. Ça avait été égoïste de sa part. Alors elle s’était surprise elle-même quand la question qu’elle avait posée à Brett était sortie d’un ton plus froid, presque accusateur, qu’elle ne l’aurait imaginé. Non pas avec de la colère, mais simplement comme si elle avait parlé à une vieille connaissance qu’elle ne voulait plus vraiment voir et non à son meilleur ami, qui lui manquait à tous les jours. La rouquine vit bien qu’elle l’avait encore une fois blessé, l’hésitation de Brett à répondre à sa question en était un bon témoin. Elle attendit la réponse en sentant un nœud se former au creux de son ventre. Et s’il était venu lui dire adieu ? Et s’il était tellement en colère qu’il ne lui pardonnerait jamais ? Voulait-elle même qu’il lui pardonne ? Après tout, elle l’avait blessé et s’était éloignée. Elle ne lui aurait sans doute pas reparlé s’il n’était pas là, devant elle, à cet instant. Alors pourquoi l’idée qu’il ne veuille plus d’elle, qu’il puisse la détester (et il aurait toutes les raisons du monde de le faire) lui faisait tant peur ? Le silence était infernal. Mais elle ne pouvait être celle qui allait le briser. Elle le voyait détourner le regard et Lily savait. Elle savait qu’il était bien plus blessé que ce qu’elle s’était imaginé. Que d’être présent à Beacon Hills ce soir devait être encore plus difficile pour lui que la surprise ne l’était pour elle. Et elle attendait. En quelques secondes, Lily vit le corps du jeune homme se crisper, mâchoire contractée, poings serrés. Un comportement qu’elle ne connaissait que trop bien. Un qu’elle aurait pu apaiser simplement en le prenant dans ses bras.

Finalement, il prit la parole, brisant ainsi le silence et la tension grandissante. Brisant du même coup ce qui restait de la confiance de Lily face à sa décision. Il avait raison, elle avait ignoré ses messages et ses appels. Elle avait refusé de lui en donner, parce qu’elle se sentait responsable. Parce qu’elle n’arrivait pas à le regarder sans revivre cette soirée. Alors elle baissa la tête, honteuse, alors que Brett lui posait à son tour des questions. Des questions auxquelles elle n’avait aucune explication logique. Et lorsqu’il fit un pas vers elle, elle ne bougea pas. Elle espérait secrètement qu’il réduise la distance entre eux, qu’il la prenne dans ses bras comme elle voulait le faire. Comme elle n’arrivait pas à le faire. Elle réalisait à présent que pour se protéger, parce qu’elle avait honte, elle l’avait blessé bien plus qu’elle ne l’avait cru au départ.

« Je… Je n’ai jamais voulu te faire du mal… »

Elle secoua négativement la tête. Mais je n'ai aucune bonne excuse. Alors elle releva la tête, prit une grande inspiration et tenta de remettre ses pensées en ordre.

« T’as rien fait de mal. S’il te plaît, ne sois pas trop dur envers toi. Je suis la seule à blâmer dans cette histoire… » Elle hésita une seconde. Comment formuler ce besoin de partir ? Cet appel pour Beacon Hills qu’elle avait ressenti pendant quelques mois avant que sa demande de transfert ne soit acceptée. « Je devais partir Brett. C’est pas contre toi, mais c’était trop. » Pourtant, sa voix tremblante laissait sous-entendre un tout autre discours. J’ai passé près de te tuer… C’était ma faute…

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Un léger rire nerveux s’échappa de sa bouche. À quel moment s’était-elle dit que de l’abandonner après un tel événement serait la chose la plus bénéfique pour lui ? Son égoïsme l’avait fait plonger dans une belle dépression qu’il avait encore du mal à combattre, maladie dont sa capacité ne pouvait rien y faire. Elle l’avait brisée, même si ce n’avait pas été son attention de le faire, là était la fissure dans son cœur qui a chaque pensée pour elle l’empêchait de respirer et de penser correctement.

Plongeant ses mains dans sa veste, il détourna le regard un instant, il ne voulait pas craquer, même si l’envie de la serrer dans ses bras étaient trop fortes, elle ne le méritait pas et si elle entreprenait de le faire, il ferait un pas en arrière, car c’était trop facile de l’excuser, c’était trop facile de passer à autre chose et de reprendre là où ils s’en étaient arrêtés. Brett ne voulait pas non plus qu’elle souffre, mais qu’elle prenne conscience qu’elle avait brisée une adolescence, elle avait avancé, elle était à l’université et lui n’avait fait que chuter dans ses études, se retrouvant à être un simple garagiste alors qu’il aspirait à autres choses.

Brett serra la mâchoire et cracha : “Tu devais partir ? Sérieusement Lily, j’ai cru te perdre, je t’ai retrouvé et tu es partie parce que tu le devais ? C’était trop quoi ? Nan parce que je ne comprends pas…Il n’y avait que toi et moi ce soir-là, personne n’est mort. Alors pourquoi ? C’était trop de quoi ?!”

Il n’y avait aucune raison dans sa phrase, elle avait juste fui, ses parents étaient restés là-bas, ses amis, lui, son confident, son meilleur ami. Soupirant, il espérait qu’elle lui explique vraiment son geste, il avait besoin de l’entendre, il voulait tenter de comprendre, voir peut être même tenter de se mettre à sa place, mais il savait qu’il n’aurait pas agit de la sorte, car Delilah était trop importante à ses yeux, il aurait remonté la pente avec elle, l’aurait soutenue, aurait remercié le ciel de lui avoir laissé une seconde chance.

“Aide moi à comprendre…”

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