Remontant d’un pas rapide le couloir qui menait à sa cabine, Violet jeta en passant un regard sur les runes qu’elle avait gravées dans le lambris. Des symboles anciens, censés la protéger et l’avertir d’une quelconque intrusion. L’une des précautions qu’elle avait prise pour protéger sa planque, ce refuge qu’elle s’était construit. Elle s’arrêta face à la cabine numéro 2107 et après un dernier coup d’oeil aux deux extrémités du couloir afin de s’assurer qu’ils étaient déserts, la druidesse pénétra dans la cabine, enjambant la ligne de sorbier qu’elle avait tracée au sol. Un dernier rempart pour la protéger de toute intrusion. Le salon de ce qui avait été une suite luxueuse quand elle en avait pris possession ressemblait aujourd’hui davantage à la planque d’un détective un peu fou. Les murs étaient couverts de papiers en tous genres, de dessins et de notes épinglés à droite à gauche avec les moyens du bord, ou collés sur les fenêtres. Un tableau noir, qu'elle avait récupéré dans l'un des restaurant, traînait également dans un coin. Verrouillant la porte derrière elle, Violet déposa son arc et ses flèches dans un coin de la pièce et attrapa l’une des feuilles qu’elle avait abandonnée sur la table. Elle avait repris ses explorations aujourd’hui, et un crayon à la main, entreprit de mettre à jour le plan des lieux qu’elle s’était efforcée de reproduire. Il y avait bien des plans sur ce navire, mais à l’instar des horloges, aucun ne semblait être exact. A quoi bon, puisque ce bateau n’allait nulle part, et que les passagers qui avaient initialement tenu compagnie à Violet n’étaient pas en état de s’en apercevoir.

Elle s’efforçait d’être méthodique. Étage par étage. Pont par pont. Couloir par couloir. Elle notait, traçait, indiquait chacun des endroits où, à mesure que passait le temps, elle avait caché des armes plus ou moins improvisées. Les recoins qu’elle utilisait comme point de repli. Les petits passages où elle pouvait se faufiler pour fuir, ou les pièges qu’elle installait au fil de ses explorations afin de pouvoir y attirer ses poursuivants si l’occasion se présentait. Elle avait toujours été pacifique, le rôle d’un druide n’était pas de se battre bien qu’ils maîtrisent généralement les arts martiaux, et jamais de sa vie elle n’avait tué quelqu’un ou quelque chose avant de se retrouver dans cet enfer. Mais les Riders ne lui feraient pas de cadeau s’ils lui mettaient la main dessus - elle ne leur en ferait pas non plus. Evidemment, ils revenaient toujours, si nombreux que ses efforts semblaient vains. Parfois, l’idée d’abandonner et de les laisser faire d’elle l’une des leurs lui traversait l’esprit, mais elle était bien trop combative pour baisser les bras.

Le plan de l’étage qu’elle avait fini d’explorer ce jour-là terminé, elle alla l’épingler avec les autres. Peut être que ça ne servait à rien, mais pour survivre à tout ça, elle devait connaître le terrain. Elle avait avancé à l’aveugle les premiers temps, découvrant les lieux, et c’était bien trop risqué. Et puis, plus elle collectait d’informations, plus elle avait de chances de trouver une solution à tout cela. Alors elle notait tout, méthodiquement. Pour chaque Rider tué, elle notait comment elle y était parvenue dans son journal. Listait chaque secret de ce bateau. Chaque chose inhabituelle, chaque mystère qu’elle tentait de résoudre, chaque piste d’évasion, aussi mince soit-elle.

Une fois terminé, elle s’empara de quoi grignoter et fila dans sa chambre. Le décor y était moins chaotique, mais les armes qui y traînaient ça et là montraient bien qu’elle était toujours sur ses gardes. Derrière l’une des tables de chevet, elle avait même réussi à percer la paroi, se créant une petite porte de sortie au cas où son refuge se verrait envahi. Un trou grossier dans la cloison qui donnait sur la cabine voisine et qui ne semblait pas assez large pour laisser passer un adulte, mais c’était suffisant. Se laissant tomber sur le lit, Violet attrapa le journal qui reposait sur l’oreiller. Elle en noircissait les pages chaque jour, ou en tout cas régulièrement - difficile de juger du temps qui passe dans cet endroit - s’adressant parfois à ses parents ou à ses amis laissés à Beacon Hills, leur contant des aventures qu’elle ne pourrait probablement jamais leur raconter en tête à tête. Les questionnant sur leurs vies dans des questions demeurant sans réponses. Inutile ? peut être. Mais c’était une manière de se tenir occupée, de ne pas laisser la solitude la rendre complètement folle. Elle devait bien se raccrocher à quelque chose, et l’espoir de sortir un jour de ce purgatoire était tout ce qu’il lui restait.
.